Aussi longtemps qu’on aura besoin de nous

Artikel, 18. September 2022: Le Matin Dimanche

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Le Matin Dimanche: "Gastbeitrag von Bundesrätin Karin Keller-Sutter zum Eidgenössischen Dank-, Buss-und Bettag"

"De tous côtés des mers s’élèvent les flammes anciennes et nouvelles de la guerre, les flammes de la guerre civile et de la haine des peuples, déchirants exemples qui témoignent à quel point est proche de nous encore, au milieu de notre siècle, toute l’horreur de la violence et de la destruction."

Voilà ce qu’écrivait Gottfried Keller en 1863 dans la lettre pastorale du canton de Zurich pour le Jeûne fédéral. La guerre de Sécession faisait rage en Amérique. En Europe, la Russie matait une révolte polonaise. Depuis le 24 février dernier, les mots de l’écrivain ont une résonance particulière, à l’heure où nous aussi, consternés, devons constater "à quel point est proche de nous encore toute l’horreur de la violence et de la destruction".

Nous lisons des gros titres et voyons des images que nous ne croyions plus possibles. Les chars russes qui entrent dans des villes qui ressemblent aux nôtres. Des millions de gens, à une journée de voiture d’ici, qui doivent fuir leur pays – et dont certains arrivent chez nous.

Face à ces images, on se sent impuissant. Ce printemps, au journal télévisé, j’ai vu une femme qui prenait part à la prière oecuménique de paix pour l’Ukraine organisée chaque semaine dans l’église Sainte-Élisabeth, à Bâle. "Ça me fait du bien de faire quelque chose, parce que j’ai souvent l’impression de ne rien pouvoir faire", disait-elle. Je la comprends très bien. C’est important que chacun trouve à sa manière le moyen de "faire quelque chose" pour s’affranchir de ce sentiment d’impuissance.

De nombreuses personnes en Suisse ont trouvé un moyen: elles accueillent des réfugiés chez elles ou les soutiennent au quotidien. Elles leur fournissent du travail, font des dons – ou offrent simplement un peu de consolation. Elles vivent la vertu chrétienne de l’amour du prochain.

Nous pouvons aussi être reconnaissants. "La Providence nous a gracieusement gardés en paix", écrivait Gottfried Keller en 1863. Il rappelait ainsi que la paix est une bénédiction et qu’elle ne va pas de soi. La journée de prière du Jeûne fédéral nous donne l’occasion de nous en souvenir.

L’origine du Jeûne fédéral est politique autant que religieuse: c’est le canton d’Argovie qui a proposé à la Diète fédérale, en 1831, que le Jeûne soit célébré le même jour dans toute la Suisse, par-delà les barrières confessionnelles. Il voulait ainsi "encourager le sentiment national". Et c’est ainsi que depuis 1832, nous célébrons le Jeûne fédéral le troisième dimanche de septembre.

Le sentiment national mit encore longtemps à s’affirmer, mais depuis la création de l’État fédéral en 1848, la paix fut durable. Vivre en paix nous permet aujourd’hui d’aider les personnes qui fuient la guerre en Ukraine. En tant que conseillère fédérale, je suis reconnaissante envers la population suisse qui se montre solidaire, qui ouvre son cœur et ses portes. Sans cette aide, les autorités ne pourraient guère maîtriser la situation.

Je suis également reconnaissante envers les Églises nationales, la Fédération suisse des communautés israélites et les autres communautés religieuses d’être là, pour les Ukrainiens en quête de protection, mais aussi pour les personnes qui souffrent en Suisse et pour toutes celles et tous ceux qui, en ces temps difficiles, ont besoin de réconfort.

"Les Églises pensent en siècles et en millénaires. Nous continuerons aussi longtemps qu’on aura besoin de nous." Telle était la réponse ce printemps du responsable de l’église Sainte-Élisabeth, auquel on demandait combien de temps aurait encore lieu la prière de paix à Bâle.

Il en va de même pour notre aide et pour la reconstruction de l’Ukraine: nous continuerons aussi longtemps qu’on aura besoin de nous.

Que cette journée du Jeûne fédéral soit propice au recueillement.

L’origine du Jeûne fédéral est politique autant que religieuse.

Letzte Änderung 18.09.2022

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